Au delà de la peau…

Un projet artistique de transformation d’ habitants en oeuvres d’art éphémère en lien avec leurs histoires de vie.

Aux origines du projet « Mas alla de la piel » en Colombie.

 

 

Durant toute l’année 2018, nous avons expérimenté et réalisé notre projet « Más allá de la piel (Au-delà de la peau)» en Colombie, dans un petit village qui paraissait au premier abord paradisiaque : Jardín. Rapidement, nous nous sommes rendus compte de l’envers du décor de cette petite bourgade idyllique. Aux mains des paramilitaires (et des narco-trafiquants qui sont souvent les mêmes) il régnait dans la population un besoin de parler, le besoin de conter à d’autres des souffrances trop souvent tues et qu’il faut bien souvent cacher pour ne pas risquer sa vie.
Mon conjoint Cyril Andres et Maria Constanza Gil, une amie colombienne, et moi même avons donc proposé à des villageois de faire leur portrait.

Tout d’abord en les rencontrant puis sous la forme de documentaires filmés en les suivant dans leur quotidien, nous avons collectés leurs histoires de vie. A partir de ces échanges, nous les avons peints et transformés en œuvres d’arts éphémères en fonction de leurs histoires, rêves ou aspirations.
Douze personnes ont accepté d’être nos modèles. Elles se sont faites maquiller et coiffer pendant des heures puis photographier. Magnifiées, métamorphosées l’espace d’une journée, elles se sont retrouvées au centre du monde et des attentions.

En acceptant de se mettre à nue et de vivre ces expériences artistiques peu communes de véritables liens se sont instaurés entre nous et ces personnes. De surcroît et pour beaucoup d’entre-elles, ces métamorphoses ont questionné et bouleversé le regard qu’elle portait sur elles-mêmes.

Vidéo réalisée par Cyril Andres, les films du macadam, Jardin, Colombie 2018.

 

Daniela notre modèle à force d’insultes avait fini par perdre toute estime d’elle-même. Après que nous l’ayons peinte, elle était sortie dans la rue avec la peinture sur corps sans se démaquiller « Je suis sortie dans la rue pour me montrer aux autres personnes du village. J’étais moi-même mais aussi quelqu’un d’autre. Transformée en œuvres d’art je me suis sentie prête à affronter le jugement des autres
habitants du village…»

Ce projet artistique et social propose aux participants un moment intime de création afin d’aider à changer le regard qu’ils peuvent porter sur eux mêmes et le regard que l’on peut porter sur eux.

A travers les arts de la métamorphose  et de l’image, nous souhaitons offrir à chacun la possibilité de reprendre confiance en soi en mettant en lumière la beauté de chacun et en offrant des moments de bien être et de création commune. 

La peinture sur corps associés à l’image photographique et la vidéo conduit à une véritable réflexion autour de l’image de soi. Réflexion pour l’individu concerné mais également pour le public invité à découvrir l’image de l’autre parfois stigmatisée et cette fois sublimée à travers une exposition.

 

 

Notre projet voit le jour en France  » Au delà de la peau « :

Métamorphoses d’ habitants du quartier de Maurepas à Rennes.

De retour de Colombie, nous avons donc décidé de faire perdurer et de développer ce projet au niveau local et plus précisément dans les quartiers prioritaires de la ville de Rennes.

En partenariat avec l’ association «  Les films du macadam », le projet « Au delà de la peau » obtient des financements de la ville de Rennes, du dispositif les rennais prennent l’art, de Rennes métropole, du festival les tombées de la nuit.

En collaboration avec Matagold, membre active de l ‘association TéKitoi, nous nous inspirons des histoires de vie, des rêves et aspirations de nos modèles pour créer des œuvres d’art éphémères. Tout en questionnant le regard que le modèle porte sur lui-même, elles lui font vivre une expérience hors du commun, à fleur de peau. Le contact avec le pinceau et la couleur amène un moment de bien être et de partage important entre l’artiste et le modèle. Devenir une toile support de création, changer de peau permet à chaque modèle de se voir autrement, de s’accepter, de se respecter et de s’aimer.

Cyril Andres propose une interprétation photographique de ces métamorphoses. Le moment de la photographie permet alors à chaque modèle de se libérer et de vivre un moment très intense en acceptant le regard de l’autre et en cassant les représentations que l’on peut avoir de soi même. La photographie immortalise alors ce moment d’écoute et de partage. Il réalise également des courts métrages documentaires pour tenter de saisir le regard que les modèles portent sur le monde.

Par ces mises en scènes atypiques, l’exposition « Au-delà de la peau » interpelle le spectateur pour l’inviter à s’intéresser à l’autre dans toute sa singularité. L’ exposition « Au delà de la peau » a tourné dans différents lieux de la ville de Rennes : Centre social de Maurepas gros chêne, au pôle associatif de la marbaudais, au centre socio-culturel des  longs champs, aux cadets de Bretagne, ainsi que lors du festival des tombées de la nuit en juillet 2022.

 

Exposition photographique et portraits documentaires. Quatorze portraits, quatorze sillages de vie, d’où émerge le corps fantasmé, révélé au travers du prisme kaléidoscopique de la peinture sur peau. Ainsi se dévoile le trouble de l’âme qui s’entrechoque entre silence et paroles collectées, entre songes et réalités filmiques.

 

« Au-delà de la peau » est une performance artistique qui propose des métamorphoses d’habitants en utilisant peinture sur corps, coiffure et scénographie. Matagold et Agnès Dupoirier s’inspirent des histoires de vie, rêves et aspirations pour créer des œuvres éphémères.

Cyril Andres réalise des portraits photographiques et des films documentaires. Repoussant l’infime frontière de l’intimité, c’est en filigrane qu’il nous suggère l’indissociable résonance entre les mots, comme un écho à nos propres existences.

Par ces mises en scènes atypiques, l’exposition interpelle le spectateur pour l’inviter à s’intéresser à l’autre dans toute sa singularité.

 

 

 

 

Pour les modèles, ces métamorphoses éphémères sont souvent profondes.

Roguaya, une de nos modèles, souhaitait absolument qu’ on lui réalise son portrait le jour de la journée des droits des femmes. Elle voulait transmettre un message à toutes les femmes du monde par les réseaux sociaux. Elle s’est battue pour ses droits, pour sa liberté de femme, pour avoir le droit de vivre ses passions, pour avoir le droit d’apprendre et d’être une femme libre. Son témoignage est très touchant.

 

Quelques ressentis des participants :

 « Avant de me faire maquiller, j’avais une boule au ventre, parce qu’il y a des endroits où je n’aime pas qu’on me touche, parce que j’ai honte. Ce maquillage m’a permis d’avancer parce que je n’ai pas eu de réactions brusques …ce qui m’a préparé ? C’est la coupe de cheveux, le massage et les questions que tu m’as posées… au début je ne comprenais pas le dessin avec ce noir et blanc sur moi et petit à petit, ça a fait sortir le démon qui était en bas pour rattraper la lumière d’en haut, je suis arrivé dans mon nuage…je ne me suis pas reconnu, j’ai vu quelqu’un d’autre, un guerrier… et je me suis trouvé beau… »

 « Au niveau détente, j’ai adoré la peinture … la photographie c’est une autre expérience…J’ai l’impression d’être une star, j’ai réalisé le rêve d’une petite fille… J’ai beaucoup pleuré au dernier entretien, j’avais besoin de lâcher prise. La peinture sur corps a eu un côté libérateur. J’ai appris à ne plus faire ce que l’on attendait de moi. Je n’avais pas travaillé depuis 8 ans et j’ai été prise ! Je suis obèse et si je suis capable de me foutre à poil devant toi pour des photos, je peux me mettre à nue devant un employeur, enfin c’est une façon de parler… »

 « La peinture sur corps, j’ai fait ça pour enlever ma peur, je me disais mon corps n’est rien. C’est pour m’évader de moi-même, je suis trop pudique… Petite, je n’avais pas confiance en moi-même. Après la peinture, je me suis sentie à l’aise, libérée, ça a changé quelque chose chez moi. Ça m’a ouvert les yeux. Dans la vie il faut s’ouvrir, aller de l’avant et c’est pour ça que j’ai choisi le thème du poisson. Je pense que l’océan, les vagues, la vie, le bonheur est très vague. Dans l’eau, il n’y pas de secret. C’est comme si la peinture révélait tous mes secrets, comme si je m’évadais, ça m’a apaisé. . . Je n’ai plus peur maintenant ; Avant cette peinture sur corps, je n’aurais pas travaillé avec des publics difficiles. »

 

Les artistes intervenants « Au-delà de la peau ».

 Agnès Dupoirier

Maquilleuse coiffeuse dans le milieu du cinéma, du théâtre, de l’opéra et du spectacle vivant, elle effleure la peau, la magie opère par sa maitrise de la peinture sur corps, la promesse d’accompagner chacun jusqu’à sa métamorphose.

Cyril Andres

Le portrait comme rencontre est au cœur de sa démarche de photographe et de documentariste. Tout en mettant en scène sa mythologie personnelle, ses productions visuelles et sonores éclaire-souligne le familier et certains chemins que nous aurions pu emprunter.

 Matagold

Caroline vaillant allias Mata Gold est plasticienne, collagiste, elle peaufine sa technique  » dentelle de papier  » et invente des mondes crépusculaires peuplés de créatures fantasmagoriques errant dans une nuit sans étoile. Un monde que lui chuchote son inconscient, une thérapie poétique où se dévoile l’intime secret en silence.

Les Films du macadam :

L’association les Films du macadam a pour vocation de promouvoir la création cinématographique comme outil d’émancipation et de compréhension du monde contemporain. Si nous utilisons principalement la photographie et le cinéma, nos créations artistiques se veulent pluridisciplinaires en intégrant d’autres arts comme la peinture sur corps, le théâtre, la danse, la musique, l’écriture…https://www.lesfilmsdumacadam.org/

Remerciements

Ce projet est porté par l’association les films du macadam en partenariat avec la Compagnie TéKiToi. Il a été soutenu par la mairie de Rennes, Rennes Métropole, le centre social de Rennes Maurepas, les rennais prennent l’art et le festival les tombées de la nuit.

Merci à tous les participants au projet « Au-delà de la peau » : Rogueya, Pascal, Fatima, Pauline, Daniel, Lydia, Fatima, Glenn, Zali, Jamal, Manu, Eric, Nino et Caroline.

Merci à toutes les structures qui nous ont accompagnés : L’Apras, La Cohue, la direction de quartier nord est, les associations du pôle associatif de la marbaudais, le centre social de maurepas , le musée des beaux-arts de Rennes. Merci également à la MJC la bellangerais , à la MJC du Grand Cordel , au centre social de Maurepas ainsi qu’à l’APRAS, pour l’accueil chaleureux de notre exposition. Merci au Pôle associatif de la marbaudais pour son soutien et son accueil. Merci à l’association la Loupiote pour son bar à tisane lors de nos vernissages. Merci aux tombées de la nuit de nous avoir accueilli dans leur festival.